Dialogue
sur l’espace et le temps
Lieu de création, l’atelier n’échappe jamais à la
révélation de l’identité d’un artiste. Dans l’usine désafectée, perchée haut
dans les montagnes de Thiers, choisie soigneusement par Vladimir Skoda pour sa
lisibilité immédiate, l’enchaînement des salles et de leur lumière, tout rend
compte de ce qu’il recherchait intuitivement depuis sa jeunesse où, échappant à
un futur d’ingénieur dont il ne voulait pas, il découvrait sidéré le monde
vivant des usines. « Dans l’une d’elles, il y avait des machines, des
tours, des fraisseuses…..j’ai compris-dit-il-que c’était cela que je voulais
faire ». De quelle façon ? devenir artiste…pourquoi pas
sculpteur ? …dominer un matériau, donner à voir l’espace, le temps ?...
Ici, dans ces étendues de travail dominées par le
plein des œuvres rigoureusement ordonnées, tout ravive l’histoire de Skoda et
révèle le chemin parcouru depuis des décennies. Les questionnements et la
singularité de ses recherches dans ce monde de la sculpture, toujours difficile,
souvent aride, puisent leur source dans cette Europe centrale qui l’a vu
naître. De son sol natal, la Tchéquie, également berceau de Kafka ou de Kupka,
tout exprime la complexité d’une culture qui impose un regard neuf sur la
modernité. Deux faces de son œuvre, opposées et complémentaires, expriment la
vérité de l’œuvre de Skoda. Dans un premier temps, sa sculpture oscille entre
des matériaux lourds, puissants, faits de fer ou d’acier, forgés par la main
d’un homme qui ramène ses idées à l’essentiel. C’est la partie conceptuelle,
rude et ramassée qui paraît issue de la nuit des temps : celle qui se lit
d’autres façons, sans référence à la réalité. De l’autre, à l’inverse mais
marquée par l’aboutissement naturel de sa réflexion et de l’interrogation ludique
ou poétique de l’artiste sur l’univers qui nous constitue et nous entoure.
Cette ouverture sur un autre monde moins perceptible est faite de matériaux
plus lisses, polis par la main de l’homme, que le sculpteur veut rendre à tout
prix palpable. Des images différentes de ce que nous voyons, surgissent d’une
autre réalité. Elles confirment toujours cette quête essentielle que Skoda
entretient depuis de longues années entre Terre et Cosmos. Son intuition
rejoint ses connaissances profondes d’un monde lointain qu’il veut désormais
proche. De là, la fascination que procure cette œuvre atypique marquée par le
sens du questionnement infini qui, selon lui, se pose entre l’homme
d’aujourd’hui et son engagement dans la modernité.
« L’art n’est pas une soumission mais une
conquête » écrivait André Malraux. Ainsi Vladimir Skoda ouvre de nouvelles
voies à la représentation dans la sculpture, trop souvent asservie à des
réalités auxquelles il a toujours voulu échapper. Il ouvre ainsi un dialogue
neuf entre les matériaux et les rêves du sculpteur. Un monde qui s’inscrit dans
un dialogue sur l’espace et le temps.
Jean-Louis
Prat